Louis Cardaillac : Tolède XII-XIIIème siècles

Sur le blogue “Une lecture du Coran ” , je lis dans un commentaire sous la plume de tazenda nov 30th, 2006 à 10:59

“En Espagne, la ville de Tolède et plusieurs autres cités épiscopales ainsi que les grands monastères étaient des centres intellectuels très actifs, tout particulièrement pour les traductions de l’antique, bien avant l’invasion musulmane et la chute des rois Visigoths.”

Tout cela manque un peu de dates pour un œil historien. On aimerait aussi que les grands monastères et les sièges épiscopaux soient clairement identifiés.

ÉVÊCHÉS ET ABBAYES

Par exemple, la liste suivante situe le siècle de première fondation d’un évêché dans une ville d’Espagne :

  • Andujar (Castille) : 1er siècle
  • Avila (Castille) : 15ème siècle
  • Barcelone (Catalogne) : 4-8-9-12ème siècle
  • Burgos (Castille) : 15ème siècle
  • Calahora (Navarre) : 14ème siècle
  • Iria Flavia (Espagne) : 9ème siècle
  • Pampelune (Catalogne) : 13ème siècle
  • Saragosse (Catalogne) : 3-4ème siècle
  • Séville (Andalousie) : 6-7ème siècle
  • Tolède (Castille) : 7ème siècle
  • Urci (Espagne) : 1ème siècle

Cela fait 5 sièges épiscopaux qui ne fonctionnèrent pas tous en même temps et dont certains furent déchus de ce statut.

Il faudrait affiner, par exemple en trouvant la liste des abbayes. On s’accorde à penser que le monachisme naît en Egypte vers les années 300 à l’occasion de la grande persécution de Dioclétien. Ce sont d’abord des ermites solitaires. [1] Le temps que des communautés se constituent et que la pratique atteigne l’occident, il faut attendre le début du 5ème siècle pour la Gaule et le milieu du 6ème siècle pour l’Espagne comme en témoigne le “De Monachis Perfectis” d’Eutrope de Valence mort en 589. On signale, sans autre attestation, un Sergius, évêque de Taraco (Tarragone) entre 520 et 555, qui aurait fondé une abbaye.

On est encore à une époque de civilisation orale tant qu’on se fie aux règles des pères Égyptiens car, en Espagne, la règle bénédictine, qui impose un devoir d’étude, ne s’imposera que tardivement.

C’est compréhensible si l’on considère la répartition des temps de paix (favorables à l’étude) et les temps de guerre (qui le sont moins) durant le royaume wisigothique.

GUERRE ET PAIX

Les dates des nombreux conciles ne doivent pas tromper le lecteur contemporain qui imagine un concile comme le rassemblement international de Vatican II. Les conciles de l’époque sont régionaux et servent à l’administration de l’église locale. Celle de Tolède est centrale sur la période considérée et les autres sont ses satellites, un peu à l’image d’Alexandrie en Egypte. On relève les dates de concile suivantes : 1 concile d’Elvire de 306 à 314, 2 conciles à Braga en 561 et 572, 16 conciles à Tolède (589, 597, 633, 636, 638, 646, 653, 656, 681, 683, 684, 688, 693)

Ces dates de concile correspondent, grosso modo, à l’avènement d’un nouveau roi goth, lequel fait suite à une guerre de clan ou de succession. Comme on le voit l’époque est agitée ; la guerre entraîne pillages et destructions. Les périodes de paix s’allongent vers 700 mais en 711 la conquête arabe commence.

L’embellie culturelle évoquée par Tazenda me semble donc bien compromise.

ÉCOLE DE TRADUCTION TOLÉDANE

tazenda nov 30th, 2006 à 10:59 nous dit encore :

couverture du livre sur Tolède” L’école des traducteurs arabes de Tolède est une légende, rien de plus”

Dans cette déclaration, Tazenda s’embarque dans une affirmation sans vérification. L’ouvrage surTolède aux XIIème et XIIIème siècles, un collectif paru chez Autrement en 1991 sous la direction de Louis Cardaillac fait le point sur la question. En particulier, il serait souhaitable qu’il se reporte à ces 3 articles dont je reprends le chapeau :

L’ECOLE DES TRADUCTEURS, DANIELLE JACQUART

“un demi-siècle après sa conquête, la cité peut s’enorgueillir d’un centre de traduction exceptionnel. La présence de Mozarabes et de Juifs parlant l’arabe conjuguée aux nombreux manuscrits sur place attira de nombreux savants. Parmi eux, Gérard de Crémone traduit en latin des traités de philosophie, de mathématiques et de médecine.”

LA MÉDECINE ARABE ET L’OCCIDENT, DANIELLE JACQUART

“Au temps de la reconquête chrétienne, Tolède comptait non seulement des praticiens experts, mais des savants comme Gérard de Crémone , attachés à rassembler des manuscrits de médecine et à les interpréter en les intégrant à l’ensemble du savoir intellectuel. Parmi les textes traduits, le Canon d’Avicenne est sans conteste, le plus marquant ”

LA PREMIÈRE HISTOIRE ANDALOUSE DES SCIENCES, GABRIEL MARQUEZ GROS

“Quinze ans avant la conquête de Tolède, Al-Zarquali a perfectionné l’astrolabe et mis au point les “Tables Tolédanes” tandis que Sa’id écrivait l’histoire des sciences, véritable généalogie des peuples vue de Tolède, entre la barbarie des chrétiens, les traces de la latinité, le legs des grecs et la filiation prophétique des peuples sémitiques.”

Il semble donc que cette école soit historiquement attestée même si le mythe d’Al-Andalus va au delà des réalisations.

notes

  1. ↑1 se reporter aux articles de Peter Brown sur le saint homme.

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