S comme .....

Et Il les bénit

La Synecdocque

"L'exégèse moderne a une vision nouvelle qui fait de la Bible un livre ancien. Le peuple à une vision ancienne qui fait de la Bible un livre nouveau" Carlos Mesters

L'humanité est sans cesse en mouvement, toujours soumise au changement. Sans cesse de nouvelles questions surgissent. Des réponses se trouvent être inadéquates parce que le contexte social a changé. Souvent des humains se tournent vers la Bible afin de voir plus claire. Un exemple est celui de l'esclavage. Jusqu'à tout récemment aux États-Unis on invoquaient les épîtres de Paul afin de montrer comment l'esclavage est compatible avec le message du Christ. Aujourd'hui, certains se tournent vers ses mêmes épîtres pour condamner l'homosexualité. La question que l'on doit se poser est la suivante : Qu'est-ce que Paul nous dit, aujourd'hui, concernant l'homosexualité ?

Étude de Paul

En faisant la lecture des épîtres de Paul nous trouvons trois passages où l'homosexualité semble être l'objet d'une condamnation.

Le premier passage est le suivant :

"Ne savez-vous pas que les injustes n'hériteront pas du Royaume de Dieu ? Ne vous y trompez pas ! Ni impudiques, ni idolâtres, ni adultères, ni dépravés, ni gens de moeurs infâmes, ni voleurs, ni cupides, pas plus qu'ivrognes, insulteurs ou rapaces, n'hériteront du Royaume de Dieu." (I Corinthiens 6,9-10)

À première vue, il semble difficile de faire un lien entre ce passage et l'homosexualité. Pourtant, le mot "dépravés" est souvent interprété comme désignant les personnes ayant des relations sexuelles avec des personnes de même sexe. Le mot grec est "malakos" qui signifie littéralement "malade". Dans les écrits patristiques, il a le sens de : faible, délicat, débauché. Ah ! Les préjugés ! Assumer que ce mot s'adresse d'une façon spécifique aux homosexuels est entièrement sans fondement. Il n'est jamais utilisé en grec pour désigner les homosexuels ou pour faire référence à des actes d'homosexualité. Dans les écrits contemporains des épîtres de Paul, se terme est souvent utilisé en référence à des actes ou des personnes hétérosexuelles. La tradition Catholique comme celle de la Réforme a appliqué ce mot à la masturbation jusqu'au vingtième siècle. Ce ne sont pas de nouvelles données textuelles qui sont venues modifier l'interprétation mais un changement dans les mœurs. Ainsi on a transféré une condamnation sur un autre groupe afin de s'éviter en tant que théologien ou traducteur d'être troublé.

Passons au second passage :

"Certes, nous le savons, la Loi est bonne, si on en fait un usage légitime, en sachant bien qu'elle n'a pas été instituée pour le juste, mais pour les insoumis et les rebelles, […] les impudiques, les homosexuels, les trafiquants d'hommes, les menteurs, les parjures, et pour tout ce qui s'oppose à la saine doctrine" (I Timothée 1,8-10)

L'erreur de traduction est encore plus grossière. Le mot grec traduit par homosexuel est " arsenokoitai ". Pour Paul et ses contemporains le mot signifie "les prostitués mâles". La confusion dans la traduction c'est développée à partir du quatrième siècle où l'on c'est mis à appliquer différents mots à l'homosexualité pour la désapprouver.

Il ne nous reste qu'un passage :

"Aussi Dieu les a-t-il livrés à des passions avilissantes : car leurs femmes ont échangé les rapports naturels pour des rapports contre nature ; pareillement les hommes, délaissant l'usage naturel de la femme, ont brûlé de désir les uns pour les autres pénétrant l'infamie d'homme à homme et recevant en leurs personnes l'inévitable salaire de leur égarement" (Romains 1,26-27)

Pour bien saisir ce passage, il nous faut le remettre dans son contexte. Au verset 18, Paul affirme :

"En effet, la colère de Dieu se révèle du haut du ciel contre toute impiété et toute injustice des hommes qui tiennent la vérité captive dans l'injustice".

Le lecteur peut s'étonner qu'après avoir présenté l'Évangile comme étant une force du salut, Paul, sans transition, traite de la colère de Dieu. En fait, les verset 18 à 32 constituent une section centrale dans l'argumentation de Paul. Deux groupes s'opposent les juifs et les non-juifs. Dans la lettre aux Romains, Paul montre d'abord les actions mauvaises des non-juifs en s'appuyant sur la loi juive. Ensuite il s'adresse au juif pour leur indiquer qu'ils ne sont pas sans péché (2, 1; 17) après quoi il change de perspective pour se mettre du côté des non-juifs (9, 3) et finalement Paul insiste sur le fait que les gentils ont à respecter les juifs (11, 13). La condamnation d'acte sexuel entre personnes de même sexe n'est pas un argument théologique mais un exemple d'action prohibée. On peut voir qu'il s'agit d'une activité qui a peu d'importance puisqu'elle ne se retrouve pas dans la liste des péchés qui suit aux versets 29 à 31. Cependant, nous nous trouvons devant un passage qui ne peut pas être balayé aussi facilement que les deux précédents.

Romains 1, 26-27

Dès le premier verset, de l'extrait qui nous intéresse, nous retrouvons le mot "nature". Il est la traduction du mot grec "phusis" qui signifie "une disposition naturelle d'une chose ou d'une personne". On retrouve le même mot dans I Corinthiens 11,14 :

"La nature elle-même ne vous enseigne-t-elle pas que c'est une honte pour l'homme de porter les cheveux longs".

Il n'est pas question de loi naturelle, elle sera développer près d'un millénaire après la mort de Paul. Faire la lecture de se passage à partir du principe de la loi naturelle est un anachronisme à éviter. Le mot nature est utilisé pour désigner quelque chose d'habituelle ou d'ordinaire. Habituellement, l'homme porte les cheveux courts et ordinairement, la femme est pour l'usage de l'homme !

Le mot "contre" de l'expression "contre-nature" est clairement une mauvaise traduction. En grec c'est le mot "kata" qui a le sens du mot français "contre". Dans l'expression "contre-nature" nous ne sommes pas en présence du terme grec "kata" mais du mot "para". Ce dernier à le sens de "en dehors de". L'expression correctement traduite est : "en dehors de ce qui est habituel ou ordinaire". Paul nous dit que d'avoir des rapports sexuels avec un partenaire du même sexe c'est quelque chose qui est en dehors de ce qui est habituel ou ordinaire. Il réfère, ainsi, aux normes établis par la société. Même aujourd'hui, nous pouvons maintenir cette observation.

La question qui se pose maintenant est : est-ce que Paul énonce un jugement moral contre des actes entre des personnes de même sexe ? La réponse se situe en Romain 11,23-24 :

"Et eux, s'ils ne demeurent pas dans l'incrédulité, ils seront greffés : Dieu est assez puissant pour les greffer à nouveau. En effet, si toi tu as été retrancher de l'olivier sauvage auquel tu appartenais par nature, et greffé, contre nature, sur un olivier franc, combien plus eux, les branches naturelles, seront-ils greffés sur leur propre olivier !"

Nous voyons, ainsi, qu'un acte ne peut jamais être moralement mauvais par le simple fait qu'il se situe en dehors de ce qui est habituel ou ordinaire. Il s'agit là, de la manière d'agir de Dieu lui-même. Par contre, qu'un acte soit habituel ou pas ne nous dit rien de son acceptation par la société. Même Dieu, a réussi, à scandaliser par sa façon d'agir dans l'histoire humaine. Paul condamne certaines pratiques parce qu'elles ne sont pas habituelles, mais il n'affirme jamais qu'il s'agit d'actes immoraux. Il demande ainsi de respecter un minimum de convention sociale. Conventions qu'il emprunte à sa propre culture juive.

Paul nous enseigne qu'il nous faut s'abstenir non seulement d'actes réellement mauvais mais que nous sommes appelés à respecter certaines conventions sociales. N'oublions pas que nous sommes au cœur d'une polémique entre juif et non-juif. La loi juive, marquée par le dualisme du pur et de l'impur était remise en question. Certains principes alimentaires et la circoncision étaient des points de tensions important. L'expression "para-phusis" s'applique aussi à toute activité sexuelle inhabituelle et marqué d'impureté tel que les relations pendant les menstruations. Cependant, Paul, affirme :

"Je le sais, j'en suis certain dans le Seigneur Jésus, rien n'est impur en soi, mais seulement pour celui qui estime un aliment impur ; en ce cas il l'est pour lui." (Romains 14,14)

Où en sommes-nous maintenant ?

Après ce parcours dans les épîtres de Paul, nous pourrions croire que la question est close. Pourtant ce n'est pas le cas. Il nous reste encore une question : à qui s'adresse la condamnation des actes homosexuels ?

Trois expressions sont éclairantes pour comprendre à qui Paul s'adresse. Ses expressions sont : échangés, en dehors de ce qui est habituel (para-phusis) et délaissant. Ces trois expressions démontrent qu'il s'agit de personnes qui se sont détournés de ce qui constituait l'habituel pour eux, c'est-à-dire l'hétérosexualité. Paul ignore ainsi les gens pour qui cela fait partie de leur nature (ce qui est habituel pour eux) d'avoir des rapports sexuels avec un partenaire de même sexe. Cependant, cet aspect du texte n'a pas échappé aux premiers chrétiens comme en fait foi ce commentaire de saint Jean Chrysostome (en anglais dans ma source) :

"deprives them of any excuse, […] observing of their women that they 'did change the naturel use'. No one can claim, he points out, that she claims to this because she was precluded from lawful intercourse or that because she was unable to satisfy her desire she fell into this monstrous depravity. Only those possessing something can change it."

Il est probable que Paul n'avait pas connaissance de situation où des personnes d'orientation homosexuelle vivaient une relation d'amour dans le respect et la fidélité l'une pour l'autre. Cependant, ce qui est clair, pour nous, c'est que la question qui nous intéresse n'est nullement abordée directement par lui. Est-ce affirmer que Paul ne peut guère nous aider dans le développement d'une réflexion sur une éthique gaie de l'homosexualité ? [1]

notes


1 "J'emploie délibérément ici le terme gai - plutôt qu'homosexuel - pour signifier que cette réflexion doit absolument être portée, imprégnée par le quart de siècle d'histoire du mouvement de libération gai, qui a fait sortir l'homosexualité du placard du péché, de la maladie ou de la tare sociale, et l'a revendiquée comme UNE possibilité décente et légitime d'être humain, parmi d'autres.
G. Ménard " Des éthiques pour penser l'homosexualité: questions de théories et de méthodes ", Université de Montréal, Faculté de théologie, novembre 1996, dans Nouveau regard sur l'homosexualité. Questions d'éthique, sous la direction de Guy Lapointe et Réjean Bisaillon, Montréal, Fides, 1997, 83-97.
2 "Tant que nous restons enfermé dans la logique de l'interdit, nous ne parlons pas d'éthique mais seulement d'obéissance et de transgression. Et, de fait, c'est bien seulement à partir du moment où on est sorti de cette dynamique, où l'on est entré dans un sorte de "vacance normative", ou d'"espace libre" que l'on peut entreprendre une problématisation éthique de l'expérience. C'est-à-dire sortir du champ de forces du "permis" et du "défendu", pour entrer dans celui de l'opportun, de l'utile, du constructif, en fonction du "style" qu'on entend donner à sa vie, pour parler comme Foucault. Et l'on n'est peut-être même pas si loin de saint Paul, ici, tout au moins du saint Paul des meilleurs jours, pour qui tout était permis même si tout n'était pas également constructif..." in G.Ménard, op.cit.
3 La "Lettre pastorale" sur l'homosexualité publiée par le Vatican à la fin de 1986 (sous la plume du cardinal Ratzinger) a suscité beaucoup d'émoi dans le monde gai et au-delà. Par certains côtés, elle peut-être vue comme un "progrès" : pour la première fois, en tout cas, et dans un document de réelle envergure qui porte uniquement sur cette question, Rome semble enregistrer l'incontournable importance de la réalité homosexuelle.
Ceci dit, le document demeure profondément décevant. On l'a sévèrement critiqué, suggérant même (e.g., la théologienne américaine Mary Hunt) d'y voir une sorte de "pornographie théologique". Comme la pornographie, en effet, le document romain dépersonnalise l'expérience homosexuelle en mettant toutes ses formes "dans le même sac"; il réduit par ailleurs cette expérience à une "affaire de cul" désordonnée, négligeant totalement les autres dimensions qui s'y expriment (amour, affection, souci de l'autre, etc.); il ouvre enfin la porte à la violence en faisant porter aux seuls revendications ("illégitimes et exagérées") des gais la responsabilité de l'hostilité susceptible de surgir à leur endroit dans la société.
C'est pourtant tout le contraire que commanderait un véritable accueil des personnes d'orientation homosexuelle, une hagiographie, pourrait-on dire, au sens le plus riche de ce terme. [G.Ménard]

Une piste de réflexion

Devant le silence de Paul concernant l'homosexualité, regardons brièvement comment il aborde la morale sexuelle. Le passage le plus important se trouve en I Corinthiens 6,12-20. Le verset 12 à lui seul est un résumé de toute la morale paulinienne²nbsp;: "'Tout m'est permis' ; mais tout n'est pas profitable. 'Tout m'est permis' ; mais je ne me laisserai, moi, dominer par rien". Nous sommes loin de la perspective selon laquelle toute sexualité est mauvaise mais tolérée à condition qu'elle comporte une fin qui est bonne : la procréation. Dans tout ce passage, il n'est jamais question de procréation. Pour nous permettre de bien discerner, Paul, nous propose ce critère : s'abstenir de tout ce qui peut nous dominer. Nous ne sommes plus dans une logique de permis et défendu [2]. Nous avons désormais, parce que membre du corps du Christ, à déterminer ce qui favorise ou compromet notre croissance d'humain nouveau régénéré dans le Christ. C'est à cause de cette appartenance que Paul nous adresse cette invitation : "Glorifiez donc Dieu dans votre corps".

Paul à toujours préconisé, à cause de la venu imminente du Royaume de Dieu, le célibat. Cependant, il a adressé ce conseil aux hétérosexuels :

"J'en viens maintenant à ce que vous m'avez écrit à savoir, s'il est bon pour l'homme de s'abstenir de la femme'. Toutefois, à cause des débauches, que chaque homme ait sa femme et chaque femme son mari." (I Corinthiens 7,1-2).

Je me permet de le paraphraser de la façon suivante pour les homosexuels :

"Toutefois, à cause des débauches, que chaque homme ait son homme et chaque femme, sa femme."

L'homosexualité et L'église Catholique

Après l'exploration des épîtres de Paul, je me permet un commentaire sur l'homosexualité et l'Église Catholique. Il n'y a aucune définition de l'homosexualité qui fasse l'unanimité et nous ne comprenons pas tellement bien d'où elle provient. Voici la définition du Catéchisme de l'Église Catholique :

"L'homosexualité désigne les relations entre des hommes ou des femmes qui éprouvent une attirance sexuelle, exclusive ou prédominante, envers des personnes du même sexe.[…]
Un nombre non négligeable d'hommes et de femmes présentent des tendances homosexuelles foncières. Ils ne choisissent pas leur condition homosexuelle : elle constitue pour la plupart d'entre eux une épreuve." (CEC 2357-2358)

Cette définition de l'homosexualité est convenable, cependant pour plus de clarté mieux vaut parler non pas d'une "tendance homosexuelle foncière", mais d'une "orientation sexuelle". Orientation qui n'est pas un choix libre et volontaire comme le précise le catéchisme. Le sexe vers lequel on est attiré est ce qui permet de qualifié une orientation de homo (pour le même sexe) ou hétéro (sexe opposé).

Deux mots doivent retenir notre attention : "exclusive" et "prédominante". L'homosexualité ne désigne pas des relations entre deux hommes ou deux femmes hétérosexuelles mais désigne uniquement, selon la définition proposée, des relations entre personnes "qui éprouvent une attirance sexuelle, exclusive ou prédominante envers des personnes du même sexe". Il s'agit d'un point essentiel. Il n'est plus question des hétérosexuels ayant des pratiques homosexuelles condamnées par Paul dans l'épître aux Romains.

L'église catholique affirme que "les actes d'homosexualité sont intrinsèquement désordonnés" (CEC 2357). Elle appelle les personnes d'orientations homosexuelles à l'abstinence. Elle leurs propose cette voie, tel un idéal à atteindre. Idéal difficile et qui comporte le risque de tomber. Ceux et celles qui tomberont qu'occasionnellement n'auront qu'a demander l'absolution et ensuite ils pourront recevoir la communion en bonne conscience. Ceux et celles qui vivrons une relation d'amour, dans le respect et la fidélité, vivront continuellement, toujours selon l'église catholique, en état de péché. L'église encourage ainsi les relations d'un soir sans lendemain, nous sommes loin de Paul qui désire éviter les débauches en proposant la fidélité, le respect et l'amour vrai. Peut-être est-ce parce que l'Église Catholique oublie que l'orientation sexuelle est en lien d'abord avec - qui on tombe en amour et pour qui on est passionné - et non - avec qui on a des activités sexuelles -.[3]

Conclusion

Trouver des réponses à nos questions dans les écritures n'est jamais une tâche facile. À l'exemple des premières communautés chrétiennes nous avons à réinterpréter les écritures à partir de nos situations nouvelles. Déjà les feux de l'aube sont là qui nous permettre de garder notre espérance parce que :

"Le Peuple de Dieu lui-même commence à lire et à interpréter la Bible directement, depuis son propre lieu social, culturel et spirituel. C'est un mouvement ecclésial, œcuménique qui est aussi à la fois un processus pédagogique, une voie spirituelle et de sainteté, une force spirituelle pour la transformation globale de la société. C'est un mouvement qui pose de solides fondations à la reconstruction du mouvement de Jésus pour le 21e siècle et le troisième millénaire." Pablo Richard

Patrick Riberdy

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