G comme .....

Et Il les bénit

La gayté n'existait pas dans l'Antiquité !

ROMAINS
"C'est pourquoi Dieu les [c'est-à-dire les païens] a livrés à des passions avilissantes : leurs femmes ont échangé les rapports naturels pour des rapports contre nature ; les hommes de même, abandonnant les rapports naturels avec la femme se sont enflammés de désir l'un pour l'autre, commettant l'infamie d'homme à homme et recevant en leur personne le juste salaire de leur égarement."
CORINTHIENS
"Ne vous y trompez pas ! ni les débauchés, ni les idolâtres, ni les adultères, ni les efféminés, ni les pédérastes, ni les voleurs, ni les accapareurs, ni les ivrognes, ni les calomniateurs, ni les filous n'hériteront du Royaume de Dieu."
THIMOTHÉE
"La loi n'est pas là pour le juste, mais pour les gens insoumis et rebelles, impies et pécheurs, sacrilèges et profanateurs, parricides et matricides, meurtriers, débauchés, pédérastes, marchands d'esclaves, parjures, et pour tout ce qui s'oppose à la saine doctrine."

L'Écriture condamne-t-elle l'homosexualité ? Paul, en particulier, condamne-t-il l'homosexualité ? Grave débat, qui suppose résolue une question non posée : l'homosexualité existait-elle dans l'Antiquité ? Pourtant, c'est par là qu'il faudrait commencer…

L'Antiquité connaît le coït entre individus de même sexe, elle en parle, elle en fait des peintures, des poèmes et en décore ses vases… mais s'agit-il de ce que nous appelons, nous, gens du XXIe siècle, l'homosexualité ? Ne pas avoir tranché cette question n'empêche pas les deux camps, ceux qui condamnent les "moeurs infâmes" (traduction de la B.J. en son édition de 1956) et ceux qu'elles laissent indifférents de se lancer à la tête des versets tous plus probants les uns que les autres... parfois les mêmes ! Ainsi, trois passages de Paul nourrissent la polémique : Romains, 1, 24 à 32, I Corinthiens, 6, 9 à 11 et 1, Timothée, 1, 10. Les voici, ci-contre, dans la version de la TOB :

Certains, voulant poser que ce qu'ils appellent l'homosexualité n'est pas en cause ici, s'ingénient à démontrer que ces passages ne visent pas les relations sexuelles entre individus de sexe masculin. Ainsi, dans I, Cor. le terme que la TOB rend par efféminés (en grec : malakoi) signifierait "malade, de faible constitution." Outre que l'on se demande pourquoi Paul interdirait le royaume de Dieu aux petites natures, cette interprétation a contre elle les témoignages du Bailly, dictionnaire grec-français qui fait autorité chez les hellénistes francophones, du Liddel-Scott-Johnson, dictionnaire grec-anglais qui fait autorité chez tous les hellénistes… et de Jean-Pierre Vernant, qui écrit dans La vie, la mort, l'amour : "Malakos, doux, mou, est du côté du féminin ou de l'efféminé."

De même, le mot que la TOB rend par pédérastes et d'autres par homosexuel a suscité ce commentaire :

"L'erreur de traduction est encore plus grossière. Le mot grec traduit par homosexuel est arsenokoitai (également écrit arrenokotai . NdlR). Pour Paul et ses contemporains le mot signifie les prostitués mâles. La confusion dans la traduction s'est développée à partir du quatrième siècle où l'on s'est mis à appliquer différents mots à l'homosexualité pour la désapprouver."

Certes, le rendu par pédérastes est contestable : dans pédéraste, il y a -éraste, qui implique le rôle actif, quand le prostitué est un éromène passif. Mais que l'on nous explique comment ce verset ne vise pas les relations entre individus de même sexe. À qui donc se prostitue un prostitué mâle ? Un arsenokoites (mot formé de deux mots grecs, le mâle et le lit, on dira en français "mignon de couchette") c'est un jeune homme de naissance libre qui vend ce qu'il a pour gagner son pain quotidien. Et encore heureux qu'il le vende, on pourrait le lui prendre de force ! Il lui faut faire vite, sitôt poussée sa première barbe, fini, adieu les amateurs ! Comme l'écrit Straton, un poète grec :

"N'étais-tu pas un enfant hier ? Et nous n'avions jamais même rêvé de la poussée de cette barbe. Comment cette maudite chose a-t-elle pointé, couvrant de poils ce qui était si beau auparavant ! Hélas, quel prodige ! Tu étais hier Troïlus, comment es-tu devenu Priam aujourd'hui ?"

On ne saurait mieux dire qu'il ne s'agit pas ici de ce que nous appelons aujourd'hui l'homosexualité, relation amoureuse réciproque et fondée sur l'égalité entre deux compagnons de même sexe. Straton s'en défend d'ailleurs avec énergie :

"Douze ans, bel âge qui m'enchante ! Mais l'enfant de treize ans a beaucoup plus d'attraits ! Avec deux fois sept ans, vous avez une fleur des amours plus exquise ! Encore plus charmeur, celui qui va entrer dans son troisième lustre ! Seize années, partage des dieux ! Dix-sept n'est pas pour moi, c'est réservé pour la chasse de Zeus ! Si d'un gars plus âgé encore on est épris, ce n'est plus jeux d'enfants, c'est chercher la réplique."

De toute évidence, Straton frémit à l'idée de recevoir la réplique…

Au demeurant, le goût pour les jeunes garçons n'est pas exclusif : Tibulle, dans ses Élégies, courtise impartialement une jeune femme, Délia, et un jeune homme, Marathus. Il pousse la complaisance jusqu'à favoriser les amours de Marathus avec la jeune Pholoé (Marathus et Pholoé sont des noms grecs) :

Et toi, songe toutefois à ne pas être cruelle à ce garçon : Vénus châtie la dureté. Ne réclame pas de présents […]. Plus précieux que l'or est le jeune homme dont brille le visage bien lisse et qui ne déchire pas d'une barbe rude celle qui l'embrasse. […] Marathus que voilà se jouait autrefois des malheureux amants, ignorant qu'un dieu vengeur menaçait sa tête ; souvent même, dit-on, les larmes de la douleur le faisaient rire et il amusait les désirs en inventant des prétextes de retard ; maintenant, il déteste tout orgueil, maintenant, il peste contre le verrou qui ferme une porte inflexible.

Cependant, le poète s'insurge quand le jeune homme le trahit pour un homme, riche, vieux et marié de surcroît :

Quant à toi, qui par tes dons as osé séduire un jeune garçon, que ta femme se joue de toi impunément par des ruses continuelles, et, après avoir en de furtives jouissances fatigué un jeune homme, qu'elle couche brisée auprès de toi.[…] Est-ce toi qui as osé vendre à d'autres des caresses qui étaient à moi, qui as osé, insensé, porter à d'autres des caresses qui étaient à moi ? Tu pleureras quand un autre amant me tiendra dans ses liens et sera le roi orgueilleux d'un cœur dont tu étais le roi.
XLIX : Rien n'eût jamais pu ternir sa réputation morale, n'eût été sa liaison avec Nicomède qui devait le marquer d'un ineffaçable opprobre et le livrer aux insultes de tous. Je ne m'arrêterai pas aux vers trop célèbres de Calvinus Licinus :
"Tout ce que la Bithynie
Et le pédicateur de César ont jamais possédé."
Je passerai outre aux discours de Dolabella et de Curion le père, dans lesquels Dolabella le dit rivale de la reine, planche intérieure du lit royal, et Curion, étable de Nicomède, et bordel de Bithynie. Ni n'insisterai davantage sur les édits de Bibulus où ce dernier dénonçait son collègue en tant que reine de Bithynie, naguère amoureux d'un roi, maintenant d'un royaume. Vers la même époque, rapporte Marcu Brutus, un certain Octavius, que son déséquilibre mental portait à des propos indiscrets, s'avisa au milieu d'une société nombreuse d'appeler Pompée le roi et de saluer César en tant que reine. Gaius Memmius lui reproche d'avoir servi d'échanson à Nicomède, parmi les autres mignons du roi, lors d'un somptueux festin auquel prenaient part nombre de négociants romains dont il rapporte les noms. Quant à Cicéron il ne s'est pas contenté de le peindre, dans ses lettres, conduit par les satellites dans la chambre à coucher du roi, étendu sur un lit d'or, enveloppé de pourpre, lui, issu de Vénus, souillant au contact de la Bithynie la fleur de sa jeunesse ; bien plus, quand César, plaidant la cause de Nysa, fille de Nicomède, crut devoir évoquer devant le Sénat les faveurs dont le roi l'avait comblé, "Laissons cela, je t'en prie, lui dit Cicéron, on ne sait que trop bien ce qu'il t'a donné et ce que tu lui as donné toi-même." Aussi, lors de son triomphe sur les Gaules, ses soldats, entre autres chansons qu'ils chantaient en accompagnant son char avec force quolibets, scandèrent-ils ce morceau des plus vulgaires :
"César a frotté les Gaules, Nicomède a frotté César,
Voilà maintenant que triomphe César qui a frotté les Gaules, Nicomède ne triomphe point, qui a frotté César."

Par où l'on voit que le sentiment de propriété est étroitement imbriqué dans le sentiment amoureux… On voit aussi que Tibulle aime impartialement et Délia, et Marathus, que Marathus se prête à Tibulle tout en soupirant pour Pholoé, et se vend à un riche vieillard dont la femme, de son côté… Bref, personne n'a de préférence exclusive pour un sexe. Cependant, il faut noter que Délia, Marathus et Pholoé sont des noms grecs : ces trois là ne sont pas romains, ils ne sont pas citoyens. Or, en Grèce comme à Rome, seul le citoyen a des droits. Le citoyen, c'est-à-dire celui qui est né de parents libres et a le privilège de faire la guerre (oui, défendre sa cité par les armes, c'était un privilège...). En contrepartie, il a son mot à dire sur les lois. En matière de sexe, il a tous les droits : féminin, masculin, enfant, animaux, que sais-je... tout est soumis à son plaisir, à son bon plaisir... à cette nuance près, qui est de taille, que jouer le rôle passif, rôle dévolu aux jeunes esclaves et/ou aux jeunes étrangers, tels Marathus, est le déshonneur suprême, dont on ne se relève pas : l'Antiquité, non seulement ignore totalement ce que nous qualifions l'homosexualité, mais frémit d'horreur à sa simple évocation. C'est ainsi que Suétone, dans sa Vie du Divin Jules se fait complaisamment l'écho de rumeurs malveillantes qu'on trouvera ci-contre.

Et plus loin, le chapitre LII s'achève sur ces mots :

Afin qu'il ne subsiste aucun doute qu'il ne fût décrié universellement pour n'avoir brûlé que de passions adultères et perverses mentionnons que Curion le père, dans l'un de ses discours le désigne comme l'amant de toutes les femmes et la maîtresse de tous les maris.

La lecture de ces paragraphes rédigés (avec gourmandise, mais passons…) au premier siècle de notre ère ne laisse planer aucun doute sur la condamnation morale qui frappe les relations entre adultes libres de même sexe. Notons également que la qualité royale de Nicomède est une circonstance aggravante : alors que Cornélia, mère des Gracques, refusait dignement d'épouser un roi, au motif que ce serait déchoir pour une Romaine que de devenir reine, César a prostitué un citoyen romain au souverain de Bithynie ! Un Romain pourrait accepter que César ait " souillé la fleur de la jeunesse " d'un prince de sang royal, mais il est insupportable de penser qu'un citoyen ait été le mignon d'un roi. Et Socrate, oui, Socrate ! n'est pas en reste :

- Par conséquent, dis-je , un homme en qui se conjugueraient de belles façons d'être, sur le plan de une qualité de l'apparence physique qui s'accorderait et consonnerait avec elles, parce qu'elle participerait du même type, donnerait le spectacle le plus beau , capable de contempler un spectacle ?
- Oui, de loin le plus beau.
- Or ce qui est le plus beau, est le plus aimable ?
- Oui, forcément.
- Donc c'est des hommes les plus proches possible d'un tel modèle que celui qui est ami des Muses serait amoureux. En revanche, d'un homme dépourvu d'accord interne, il ne serait pas amoureux.
- Non, dit-il, en tout cas si c'était dans l'âme que ce dernier avait quelque défaut ; cependant si c'était dans le corps, il le supporterait, et consentirait à le chérir.
- Je comprends, dis-je. C'est que tu as, ou as eu, de jeunes aimés de ce genre ; et je t'approuve. Mais dis-moi ceci : entre la modération, et un plaisir débordant, y a-t-il quelque chose de commun ?
- Comment cela se pourrait-il, dit-il, quand ce dernier fait perdre le bon sens autant que le fait la douleur ?
- Et entre ce plaisir et le reste de la vertu ?
- Aucunement.
- Mais voyons : entre lui et l'excès, et l'indiscipline ?
- Oui, plus que tout.
- Or peux-tu désigner un plaisir plus grand et plus aigu que celui d'Aphrodite ?
- Non, je ne peux pas, dit-il, ni non plus un plus délirant.
- Mais l'amour correct consiste par nature à aimer avec modération et de façon conforme aux Muses ce qui ordonné et beau ?
- Oui, exactement, dit-il.
- Donc il ne faut mettre rien de délirant, ni rien d'apparenté à l'indiscipline, en contact avec l'amour correct ?
- Non, il ne faut pas.
- Il ne faut donc pas mettre ce plaisir d'Aphrodite en contact avec l'amour, et l'amant et ses jeunes aimés, quand ils aiment et sont aimés correctement, ne doivent pas y prendre part ?
- Certes non, par Zeus, dit-il, Socrate, il ne faut pas les mettre en contact.
- C'est donc ainsi, apparemment, que tu légiféreras dans la cité que nous établissons : que l'amant embrasse le jeune aimé, le fréquente et s'attache à lui comme à un fils, en visant ce qui est beau, s'il sait l'en persuader ; mais que pour le reste on se comporte avec celui qui vous occupe sans jamais donner l'impression de pousser la relation trop loin. Sinon, on encourra le blâme d'être étranger aux Muses et de ne pas connaître ce qui est beau.

Oui, les écrits de Paul cités plus haut condamnent bien les pratiques dites homosexuelles, mais pourquoi attendre de Paul, juif pharisien de culture grecque et de citoyenneté romaine, qu'il rompe et aille à contre-courant et du Lévitique , et de Platon et de Cicéron ! En d'autres domaines, Paul a su s'affranchir de la pensée de son temps, mais comment lutter contre le triple poids d'une triple tradition ?. Oui, Paul est homophobe, comme tout son temps, et il est misogyne, aussi. Ce sont ses opinions personnelles, elles n'engagent que lui ! Ce serait une erreur de nier cet aspect de sa personnalité, ce ne serait pas moins une grave erreur que de fonder une loi divine sur les humeurs de Paul.

Un dernier mot : ces citations proviennent de la lettre aux Corinthiens. Il faut savoir que Corinthe, du temps de Paul, c'est Amsterdam et Hambourg réunis. Ceux qui n'y vivent pas de négoce maritime y vivent de pain de fesses. Paul trouve qu'il est regrettable qu'un disciple de Jésus mange de ce pain là, et il cherche à mettre le holà. Ce n'est pas l'attitude de Jésus, (va et ne pèche plus), mais c'est compréhensible : si le vieil homme est mort, il dit renoncer à ses anciennes habitudes. Donc, la lettre aux Corinthiens a été adressée aux Corinthiens, et à eux seuls. Tout essai d'y trouver une règle de vie valable pour notre époque est d'avance voué à l'échec. D'autant qu'on ne le répétera jamais assez, ce qui est visé ici ce n'est nullement l'homosexualité, mais l'exploitation du plus faible par le plus fort. Cette condamnation-là nous ne pouvons que la faire nôtre.

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La gayté, dans l'Antiquité, ça n'existe pas !


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