Dans la plupart des paroisses, on pratique des échanges de chaires et chacun va prêcher les ouailles du voisin en prenant garde à ne rien dire qui puisse les faire tressauter. De ce fait, lesdites ouailles sont très surprises quand elles entendent le discours ordinaire, tel qu'il se tient au voisinage. |
Les paroisses les plus branchées oecuménisent tout au long de l'année, autour d'activités communes . À l'église réformée de Rouen, on pratique, au plan local, un dialogue inter-religieux dont le sujet est, en 1999,"Qu'est-ce qui nous sépare encore des catholiques ?"... tout un programme !:-) |
Toutefois, sur une echelle plus vaste, on n'hésite pas, de temps à autres, à marcher violemment sur les pieds du voisin, en organisant une belle cérémonie bien médiatique un jour mémorial qui leur est cher (1). Négligence ? Inadvertance ? Mépris inconscient ? Pour autant, on n'hésite pas à les trouver vaguement "mauvais coucheurs" et rancuniers ceux-là qui protestent devant cette...... inélégance. |
Il arrive même qu'on diverge sur les méthodes de prière : rituels, liturgies, chants, postures. Certains utilisent des textes connus par coeur depuis tout petit. Ces étranges étrangers, si proches parfois, n'utilisent pas toujours les textes issus du patrimoine commun. Ils improvisent, modifient, changent au fil de leur réflexion. |
L'essentiel est qu'on reste différents mais qu'on paraisse d'accord sur l'essentiel. |
Justement, qu'est-ce que l'essentiel ? |
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Il semble que l'essentiel ne recouvre pas la même chose pour tout le monde. |
Glanant quelques échantillons d'essentiel, sur ces nouvelles places publiques que sont les forums de l'Internet, on recueille trois façons de percevoir le dialogue oecuménique : |
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Comme au concile en question, la préoccupation du chrétien de cette tendance consiste à définir qui est chrétien et qui ne l'est pas. Exemple : "quand on ne croit pas à la divinité du Christ, peut-on encore se dire chrétien ?". On constate que ce type de chrétien s'empêtre facilement les pieds dans le tapis de la christologie. Autre version :"quand on refuse la définition historique du christiannisme, (....) ne s'agit-il pas d'une autre religion ?". Cette version numéro deux est plutôt protestante. Comme si une définition, au pretexte qu'elle est historique était forcement juste..... |
Que nous dit Le Père Marie-Émile Boismard, dominicain de l'École biblique de
Jérusalem, dans le numéro de juillet-août 1998 du Monde de la Bible, revue de vulgarisation
biblique et archéologique :
Croire que les dogmes étaient présents à l'origine relève de la mentalité moderne. On a toujours tendance à analyser les textes du Nouveau Testament pour y retrouver la foi de l'Église actuelle. Dans le monde sémitique, la foi est avant tout l'engagement d'une personne
vis-à-vis de Dieu. Quand on passe dans le monde grec, elle se
transforme : au lieu d'être une adhésion à une personne, elle devient adhésion à des vérités, à des dogmes.
Elle "s'intellectualise". Pour beaucoup de gens, est chrétien celui qui va adhérer à un credo.
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Cette attitude est hyper-simple. Exemple :"Tu t'en prends à mes croyances" ou encore "Leur cible, c'est Rome". En résumé, si la marque affichée au dessus de la boutique n'est pas la bonne, c'est dangereux, cela mérite d'être châtié et, ne pouvant organiser de bûcher sur un forum, on organise l'obstruction. L'attitude protestante correspondante se retrouve dans des dénominations tournant facilement au sectaire dans quelques vallées suisses ou cévenoles. |
J'aurais tendance à reprendre à mon compte, cette réflexion de Théodore Monod Le Chercheur d'absolu, Gallimard, 1998"Les nomades, ces hommes libres, déplaisent aux pouvoirs centraux parce qu'ils leur échappent. Ils dérangent les gouvernements, les bureaucrates qui n'arrivent pas à les maîtriser de gré ou de force, d'où la tentation de les exterminer. (....) Ils n'obéissent qu'à une autorité : celle du Désert et celle de Dieu" |
L'attitude Vatican Deux qui sera largement développée ci-dessous.
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La question subsidiaire est : peut-on parler de semaine de l'unité des chrétiens ou de semaine de nullité des chrétiens comme on aurait tendance à le faire dans quelques paroisses malveillantes, hérétiques, il est vrai ? |
Quelques définitions |
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- oecuménisme, n.m.
- L'opecuménisme fait l'objet de tout un dossier avec le calendrier des fêtes et un grand nombre de témoignages. Toutefois, l'article le plus intéressant est sous ce lien où l'on n'arrive jamais à distinguer réellement les cas où le vocable "Chrétien" désigne l'ensemble des ressortissants du christianisme en général des cas où il ne s'agit que des catholiques romains. Il y en a plusieurs pages.
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Dans le petit Robert |
- oecuménisme, n.m.
- Mouvement favorable à la réunion de toutes les églises chrétiennes en une seule.
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Je vois déjà quelques mauvais esprits s'agiter derrière leurs écrans et demander "Ah, oui ? laquelle ?". D'autres se dépèchent de répondre :"En voilà une bonne idée ! Tous réunis sous la houlette du pape et des évêques, dans le respect des croyances de chacun" (F.G., juil-98 - PSN) |
Ah, oui ? Pourquoi pas "Tous dispersés dans les diverses dénominations et tendances de la Réforme ?" Ridicule ? Tout dépend de quel point de vue on se place ! :-). Il n'est pas besoin de sonder bien longtemps la vase de l'histoire pour voir ce que notre puissant voisin appelle "respect mutuel". |
En même temps, le Groupe des Dombes,s'acharne à produire des projets d'accords doctrinaux dont il ressort selon Marcel NEUSTCH, professeur de théologie et journaliste à La Croix, que "Bien entendu, les protestants seraient dispensés de....", ce qui pose plus de questions que cela n'en résoud :- Il y aurait donc des sujets, pratiques, rituels qui seraient considérés comme définis une fois pour toutes et dont ils ne seraient pas dispensés ?
- Faudrait-il (et comment) prouver que l'on est protestant ? parce que jusqu'ici dans le principe, même s'il est préférable d'être inscrit dans une association cultuelle et baptisé, ni l'un ni l'autre ne sont indispensables : est protestant celui qui se réclame de la Réforme. Dans la pratique, quand on vous demande une référence de votre protestantisme, on n'attend pas votre certificat de baptême mais une lettre du pasteur de votre paroisse, ou du conseil presbytéral.
- et les autres ? Je veux parler de ceux qui, un jour, décident de venir faire réfugiés politiques dans l'une ou l'autre de nos associations cultuelles ? Car, oh, terreur politiquement incorrecte, il semble que le protestantisme ne se reproduit pas par voie dynastique mais par accueil (conversion)
- La méthode de fonctionnement est-elle bien définie ainsi ? On ne peut dire qu'elle va franchement dans le respect des croyances de chacun et l'on aboutit vite à l'attitude Chalcédoine
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Bien entendu, tout cela ne fonctionne que dans un débat christiano-chrétien. Avez-vous essayé de vendre cela à des membres d'autres confessions, je veux dire non-chrétiennes ? Pourquoi vouloir mordicus des accords limités aux chrétiens si ce n'est, implicitement, pour les ramener dans le giron de Pierre ? |
L'oecuménisme, cela n'a rien à voir avec les institutions; ni avec les accords doctrinaux, c'est dans les têtes que cela se passe. |
1. La première phase --la phase du rejet total-- s'exprime dans le dogme que les non-chrétiens, comme tels, sont destinés à l'enfer. (....)Ainsi, nous lisons dans une déclaration papale de Boniface VIII en 1302 : "Nous sommes requis par la foi de croire et d'affirmer qu'il y a une église sainte catholique et apostolique ; nous croyons fermement et nous le professons sans réserve ; à l'extérieur n'existe aucun salut ni aucune rémission des péchés..... D'où nous déclarons, disons, définissons et proclamons que se soumettre au Pontife Romain est, pour chaque créature humaine, une dramatique nécessité de salut." |
DENZIGER, Enchiridion Symbolorum Definitionum et Declarationum de Rebus Fidei et Morum, 29th ed., n°468f; Fribourg, 1952 |
C'est l'attitude Chalcédoine, mais aussi, d'une sourde façon, l'attitude Croisade. Pour ceux qui pensent que je daube sur le catholicisme romain, Hick (op.cit. p. 29) précise que la même attitude est soutenue dans termes voisins par le protestantisme évangélique au Congrès sur les missions du monde de Chicago, en 1960. On peut avoir un résumé de ses positions sur l'essentiel ici, temporairement. elles sont très voisines de l'attitude Chalcédoine |
2. La seconde phase (.....)Le dogme demeure que seuls les catholiques peuvent être sauvés (extra ecclesiam nulla salus) mais on déclare de quelques peuples qui, expérimentalement, ne sont pas catholiques, qu'ils peuvent toutefois être métaphysiquement catholiques sans le savoir ! (......) Ils peuvent être invinciblement, et donc sans culpabilité, être ignorants de la vraie foi catholique, et ainsi déterminés qu'ils l'eussent adoptée s'ils l'eussent réellement rencontrée. |
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3. Au cours des quelques dernières décennies, particulièrement depuis Vatican II, une troisième phase, (....)Au lieu d'affirmer que seuls les chrétiens peuvent être sauvés, on convient d'appeler chrétiens ceux qui sont sauvés-- toutefois indirectement mais sous une forme oblique. Par exemple, Karl Rahner a popularisé l'idée de christianité "anonyme". "La christianité", dit-il "ne rend pas compte d'un non-chrétien comme purement non-chrétien mais comme une personne qui peut et doit être considérée en cela ou sous certains aspects comme un chrétien anonyme." Cela semble une déclaration franchement pan-oecuménique ." |
Theological Investigations, vol.5, 1966, p.131 ; Londres : DARTON, LONGMAN & TODD ; New York : SEABURY PRESS) |
Toutefois , reprend John Hick (op.cit. p.34) " (......)Le chrétien anonyme n'est rien de plus que l'homme à l'ignorance invincible et à la foi implicite, qui est baptisé par désir et c'est pourquoi, il appartient à l'église invisible. Toutefois, la proposition plus audacieuse de Hans Küng semble une avancée originale. Il distingue une voie ordinaire de salut au sein des religions du monde et une voie extraordinaire au sein de l'église catholique. "Un homme doit être sauvé" dit-il "à l'intérieur de la religion que sa situation historique a mise à sa disposition." Ainsi, les religions du monde, sont selon lui "le chemin de salut dans l'histoire universelle du salut ; le chemin général du salut, nous pouvons toujours le dire, pour les peuples des religions du monde : la plus commune, l'ordinaire voie du salut, en face desquelles la voie de salut dans l'église apparaît comme quelque chose de spécial et d'extraordinaire. " |
chez JOSEPH NEUNER, ed., Christian revelation and World religions, p.52; Londres : BURNS & OATES, 1967. NEUNER, p. 53 |
Perspectives et Controverses |
La perspective de John HICK est plus ambitieuse et annonce, par endroit, les penseurs post-modernes travaillant autour du concept d'une identité multiple et éclatée, tel ce jeune philosophe (vivant, et même très vivant) (3) :-).La réflexion de John Hick démarre sur l'idée qu'une seule religion est une mauvaise idée ; en revanche, l'auteur tâche de définir les éléments pour une "world global theology", une théologie mondiale. Dans son bouquin, il s'oppose à ce qu'on appelle couramment oecuménisme, qui est une affaire intérieure au(x)christianisme(s) et, qui, si on la regarde un peu près, vise surtout, pour le christianisme dominant, à récupérer les parts de marché perdues lors du Grand Schisme et de la Réforme. Critiquant la démarche missionnaire ou même seulement prosélyte, son propos vise à rendre justice à chaque voie spirituelle, chrétienne comme non-chrétienne, sans subordination d'aucune à aucune. Il rejette ainsi aux accords doctrinaux qui, outre le fait que les doctrines ne sont souvent pas compatibles dès l'intérieur du christianisme, n'aboutissent qu'à des injonctions de croire, c'est à dire à des encadrements de conscience. |
Il propose d'examiner chacun des concepts clefs des diverses révélations, des divers projets (promesses) de salut et de les organiser d'une façon telle qu'il soit possible à chacun de s'y retrouver tant dans son rapport individuel ou collectif à la Transcendance, dans sa façon de l'actualiser dans le monde. Il ne propose rien moins qu'une élucidation des mythes exprimant les contenus doctrinaux et la reformulation dans un langage contemporain. N'allez pas comprendre qu'il plaide pour une destruction des Écritures fondatrices de chacune des spiritualités. Au contraire, il demande une accentuation des travaux exégétiques "internes" et qu'on accorde plus d'importance à un comparatisme dépouillé de toute condescendance. |
En principe, sans imaginer qu'on puisse "faire le tour de D.", il suggère que de ce travail, on pourrait tirer "une image virtuelle" comme disent les gens de ma corporation quand ils parlent d'images pour le WEB, en perspective et qui se déplacent d'une façon telle qu'on en peut examiner les autres faces. Bien sûr, l'image n'est pas l'objet, disent-ils aussi. ainsi, la perception de D. dans les autres cultures n'En accentue pas le même aspect. John Hick est persuadé (comme moi, fidèle de base, rassuré(e) de voir quelques anciens étayer proprement une idée que je traîne depuis quelques années, comme d'autres qui ont pris le temps d'y réfléchir plus longtemps que moi) que D. est autre chose que ce qu'on en dit et que ce type de partage offre une chance de L'entendre s'approcher d'un peu plus près que d'habitude. |
S'il faut un envoi, disons prosaïquement que ce n'est pas demain la veille qu'on parviendra à un tel pluralisme. "Le message que Jésus nous a donné, celui qui l'a fait devenir Christ en Dieu, est de nous mettre au travail pour que le monde "à venir" puisse "advenir". dit Jean-Luc DUPAIGNE (un théologien réformé amateur que j'aime bien citer).
Pour autant, il semble que le chantier soit ouvert et, qu'ici et là quelques hommes et femmes de bonne volonté envisagent la chose avec sérénité, comme en témoigne cette Troublante Rencontre |
Le Mulot de Theolib |