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Bismillah

DJIHAD

"Nous sommes revenus de la petite guerre sainte (Djihad mineur) à la grande guerre sainte (Djihad Majeur)",

Hadith

ETRE MUSULMAN

L'Islam se base sur cinq piliers : le double témoignage de foi, la prière canonique répétée cinq fois par jour, le jeûne du mois de ramadan, la dîme, et enfin le pèlerinage. L'ensemble de ces prescriptions divines constitue aussi des actes de dévotion qui nous lient à Dieu et qui témoignent de notre amour et attachement à notre Seigneur .

Il n'est pas du tout facile pour un musulman de garder un certain équilibre entre la vie immédiate, présente et visible et l'au-delà, perspective mystérieuse et lointaine. Perspective présente tout de même dans nos esprits à travers une multitude de règles qui nous tirent de notre "sommeil", tant ces devoirs religieux sont réglés comme une horloge :

Des heures pour la prière, des tranches de vie faites de jeûnes, de dîmes accordées aux pauvres (2.5% de notre capital), et un pèlerinage ; ce sont autant d'efforts et de sacrifices que l'on peut qualifier de Djihad.

En somme, nous devons faire un effort qui suit le cycle du cosmos, dans lequel l'homme-microcosme perpétue jusqu'à la fin des temps le souvenir de Dieu en s'intégrant dans le mouvement de la terre, de la lune, du soleil, pour en faire de ces signes de Dieu, des balises, des repères, et des instants précis pour rendre grâce à Dieu l'unique.

DJIHAD

Ce souvenir de Dieu est en soi un Djihad (le terme Djihad veut dire effort combiné à la volonté de se surpasser, ce terme veut dire aussi guerre sainte) tant le propre de l'homme est cette légèreté avec laquelle il oublie que rien ne lui appartient -absolument rien-, qu'il doit tout à Dieu, et qu'une telle ingratitude humaine mérite une discipline de vie, et un traitement selon une "ordonnance divine" pour extirper l'oubli et le remplacer par la remémoration de Dieu.

DJIHAD MINEUR

Sur un autre plan, le terme Djihad dans le sens de guerre sainte prescrite aux Musulmans contre les infidèles est repris plusieurs fois dans le Coran, notamment dans les sourate II verset 216/217, sourate III verset 157/158/169, sourate VIII verset 39, Sourate IX verset 29/111.

Et voilà, à titre d'exemple, ce que dit Dieu dans le Coran (1) (sourate IX verset 29) : "Combattez ceux qui ne croient pas en Dieu ni au jour dernier, ni n'interdisent ce qu'interdisent Dieu et son envoyé, et qui, parmi ceux qui ont reçu l'Ecriture, ne suivent pas la religion du Vrai - et cela jusqu'à ce qu'ils paient d'un seul mouvement une capitation en signe d'humilité" Coran

Pour ma part, je considère que la sourate qui cristallise le mieux cet élan de foi et d'amour portées au point de vouloir mourir pour Dieu en cette parole divine reprise au niveau de la sourate IX/111 du Coran :

"Dieu acquiert des croyants leur personne et leurs biens en contrepartie du Jardin. Ils combattent sur le chemin de Dieu jusqu'à tuer, ou bien être tués, contre une promesse à quoi Dieu s'engage dans la Torah et l'Evangile et le Coran.

Qui, plus fidèlement, s'acquitterait de son pacte que Dieu ?

Réjouissez-vous donc de la réciprocité que vous avez conclue -C'est là le triomphe grandiose."

Comment cette parole divine est-elle mise en pratique, et comment de tout temps (ou presque !) A-t-elle été comprise ?

Pour répondre à cela, autant questionner Ibn Abi Zayd al-Qayrawani (922-996 ), Théologien de renom et qui sur ce sujet précisément a écrit ce qui suit (2) :

"Al-Djihad est une obligation qui incombe à certaines gens pour d'autres. À notre avis, on ne doit faire la guerre à un ennemi sans l'inviter au préalable à la religion d'Allah (à moins que ce ne soit lui qui prenne l'offensive)."
Ils sont sommés alors d'embrasser l'Islam ou de payer la capitation (djizya), sinon on leur fera la guerre. On accepte la djizya des ennemis s'ils vivent à un endroit soumis à nos lois."

Alors... à travers ces paragraphes, pourrions-nous saisir une certaine déontologie musulmane liée à la "guerre sainte" ? Non, elle ne sera clairement définie qu'un peu plus loin dans le même texte de l'auteur, lisez ceci sans oublier que ce texte a été écrit entre les années 922-996 :

"Nul ne doit être tué après que sécurité (amân) n'est donnée, toute promesse donnée à ces prisonniers de guerre ne peut être violée. Les femmes et les impubères ne peuvent être tués, et l'on doit éviter de tuer les moines ou les docteurs Juifs à moins qu'ils ne prennent les armes."

Voilà ce qu'est le djihad mineur.

DJIHAD MAJEUR

Le Djihad Majeur, en revanche, nous invite à être à l'image de Dieu, exercice difficile et complexe dans la mesure où l'ennemi cette fois-ci n'est autre que nous-mêmes.

Il ne s'agit plus, sous cet angle, de combattre son ennemi mais de l'aimer et d'avoir de la miséricorde en soi constamment et de manière inépuisable pour que tout être vivant en bénéficie (fleurs, arbres, animaux, êtres humains...).

Tout est donc lié à la force de notre attachement à Dieu, à notre force spirituelle, à ce noyau qui ressemble à un flambeau, à un buisson ardent, et qui prend naissance à l'intérieur de notre chair, à l'intérieur de notre carcasse, pour mettre la vérité au-dessus de tout et donc de mettre la miséricorde en tant que principe de vie .

Un noyau fait de notre véritable intention, de ce que nous sommes foncièrement et de notre capacité à transcender (le Djihad est une transcendance) la chair qui nous enveloppe, l'horizon qui fait nos yeux et le voisin qui n'est pas notre propre personne...

Et Dieu sait que l'être humain trouve plus de peine à faire du bien, à donner vie, qu'à faire du mal et à donner la mort. : Et Dieu sait qu'il est infiniment plus difficile à l'être humain de faire du bien, de donner la vie, que de faire du mal et donner la mort.

Par ailleurs, le Djihad du soufi se situe par excellence au niveau du djihad majeur, un Djihad qui le mène forcément, en fin de parcours, à une sorte de disparition de son moi entier pour que s'efface en lui, petit à petit, sa propre présence ; pour assister enfin à sa propre mort et à sa nouvelle vie, ce qui nous rappelle le fameux "je est un autre" de Rimbaud.

Si l'un porte le sabre contre l'autre (Djihad Mineur), l'autre en revanche porte le sabre contre lui-même (Djihad Majeur).

Lisez ce qu'écrit l'Emir Abd El Kader à ce propos(3) :

"(...) Or il y a deux sortes de morts : la mort inévitable et commune à tous les êtres et la mort volontaire et particulière à certains d'entre - eux. C'est cette seconde mort qui nous est prescrite dans la parole de l'Envoyé d'Allah: "Mourez avant de mourir." Celui qui meurt de cette mort volontaire, la résurrection pour lui est accomplie. Ses affaires reviennent à Dieu et ne sont plus qu'une. Celui-là est revenu à Dieu et il Le voit par Lui. Ainsi que l'a dit le Prophète -sur lui la Grâce et la Paix !- selon une tradition mentionnée par Tabarani: "Vous ne verrez pas votre Seigneur avant d'être morts" ; et cela parce que, dans la contemplation de ce mort-ressuscité, toutes les créatures se sont anéanties, et que pour lui ne subsiste qu'une seule chose, une seule Réalité. Tout ce qui sera le lot des croyants dans leurs états posthumes est préfiguré à un degré ou à un autre dès cette vie pour les initiés. Le "retour" des choses-considérées sous le rapport de [la diversité de] leurs formes - à Allah, au terme de leur devenir, n'exprime qu'un changement de statut cognitif et non point une modification de la réalité. Celui qui meurt et pour qui s'accomplit la résurrection, pour celui-là, le multiple est Un, en raison de son unité essentielle; et l'Un est multiple en raison de la multiplicité en Lui des relations et des aspects."

Cette forme de Djihad, comme nous venons de le constater à travers ce texte de l'Emir, passe par une nécessaire connaissance de soi-même.

Il s'agit pour ceux qui ne veulent pas s'arrêter au formalisme, à l'écorce des choses, de piocher toujours en soi dans l'espoir de croiser sa personne torche en main au fond du tunnel.

Le fameux Rûmi (soufi du 13ème siècle, qui fonda en Anatolie la confrérie des derviches tourneurs) avait écrit ceci à propos de la différence entre Djihad Mineur et Djihad Majeur (4) :

"(...) nous avons jusqu'ici fait la guerre contre les formes, nous combattions contre des ennemis ayant des formes ; à présent nous combattons les armées des pensées, afin que les bonnes pensées détruisent les mauvaises et les expulsent du domaine du corps..."

De l'Anatolie à la ville de Mostaganem, cette fois-ci nous sommes au vingtième siècle, la première guerre mondiale est proche et celui qui sera considéré comme le Saint du vingtième siècle ne sait pas encore qu'il va rencontrer son maître...

Je considère cette scène de vie authentique par ailleurs, rapportée par Martin Lings au sujet du Cheikh Ahmed Al Alaoui comme étant la meilleure illustration de l'apprentissage des soufis de ce qu'est le Djihad et une illustration magnifique de cette quête d'absolu de la part d'hommes vetus en haillons et vivant dans une extrême pauvreté, sous le regard de colons de cette localité qui -je le suppose- n'ont pas du tout soupçonné ces êtres d'être plus proches de Dieu qu'eux.

II s'agit du disciple (Cheikh Ahmed Al Alaoui) qui n'en est pas encore un au moment où il rencontrera Cheikh Bouzidi qui sera, suite à cette rencontre fortuite, son maître (5) :

"Un jour qu'il était avec nous, dans notre boutique le cheikh (Bouzidi) me dit : "J'ai entendu dire que tu sais charmer les serpents et que tu ne crains pas d'être mordu." Comme j'acquiesçais, il reprit :
"Peux-tu m'en apporter un maintenant et le charmer ici , devant nous ? "
Je répondis que c'était possible et sortant de la ville, je cherchais pendant la moitié de la journée mais n'en trouvais qu'un petit, long d'environ la moitié du bras. Je le rapportais et le posant devant lui, je commençais à le manier selon mon habitude, tandis qu'il était assis à m'observer.
"Pourrais-tu charmer un serpent plus grand que celui-ci ?" demanda-t-il.
Je répondis que la taille n'avait pas d'importance pour moi. Alors il dit "Je veux t'en montrer un, plus grand que celui-ci et bien plus venimeux, et, si tu es capable de le maîtriser, tu es un vrai sage." Je lui demandais de m'indiquer où il se trouvait ; il dit "Je veux parler de ton âme, qui se trouve entre les deux côtés de ton corps. Son poison est plus mortel que celui d'un serpent...".

Mourad Mostaghanemi

1- Coran - essai de traduction de Jacques Berque - éditions Sindbad.

2- La Risala, d'Ibn Abî Zayd Al Qayrawânî - traduction française de Kawsar Abdel Salâm Le-Béheiry - Professeur à l'université Al-Azhar (le Caire) - Éditions O.P.U. (Alger).

3- Emir Abd el Kader, Ecrits spirituels, présentés et traduits de l'arabe par Michel Chodkiewicz - Editions du Seuil.

4- Rûmi, le livre du dedans - Traduit du persan et présenté par Eva de Vitray-Meyerovitch - éditions Sindbad.

5- Un saint Musulman du vingtième siècle, Héritage et testament spirituels - Martin Lings - Editions traditionnelles.

Hadith : c'est-à-dire parole du prophète par opposition à la parole divine qui est reprise dans le Coran, considérée comme étant authentique ,consignée quelques années après la mort du prophète par des savants musulmans, notamment. Muslim et Bukhari

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